mercredi 16 juillet 2014

1914-1918 : du sous-marin à la détection sous-marine, une guerre d’innovations

La Première guerre mondiale ne fut pas seulement le massacre de millions d'hommes, tués, blessés ou estropiés à tout jamais. C'est aussi un conflit qui permit l'émergence de nombreuses innovations scientifiques et techniques dans les domaines de la chimie, du médical, de l'ingénierie, etc. Dans le cadre du dossier commémoratif 1914-1918 réalisé au profit d'EchoRadar, je vous propose un regard sur plusieurs innovations ayant trait au domaine maritime : les sous-marins et la détection de la menace qu'ils font peser sur les navires de surface.

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(Source)

La 1ère Guerre mondiale reste, dans l’inconscient collectif, marquée par de terribles combats d’infanterie et d’artillerie. Ce conflit, considéré comme le premier conflit moderne de l’ère industrielle, possède, entre autres, la caractéristique de se produire simultanément sur terre, en mer et dans les airs. A l’émergence de l’aviation, dont l’emploi deviendra stratégique trois décennies plus tard, répondirent de nombreux affrontements maritimes. Essentiellement en surface mais, fait totalement nouveau, également sous la surface grâce à l’emploi d’une nouvelle arme : les sous-marins.

Si le rôle des sous-marins fut "modeste voire frustrant"  du côté français (1), l’approvisionnement en matières premières et l’acheminement de troupes, notamment américaines à partir d’avril 1917, vont devenir plus compliquées à réaliser. Notamment du fait de l’utilisation novatrice et finalement massive (2)  des sous-marins par l’Allemagne. La mise au point de l’ASDIC (3), l’ancêtre du sonar, vers la fin de la guerre permettra cependant de répondre à une innovation par une autre innovation. La détection sous-marine venait alors de voir le jour et sa généralisation jouera un rôle crucial lors du conflit mondial suivant.

Un peu d’Histoire
Historiquement (4), le sous-marin n’est pas une invention de la 1ère Guerre mondiale puisque le premier semi-submersible de l’époque moderne (5), le « Drebbel » du nom de son inventeur, fut testé et amélioré entre 1620 et 1624 à Londres. Le potentiel militaire d’une telle invention apparait rapidement et c’est un ecclésiastique et scientifique britanniques, John Wilkins, qui est le premier à en décrire (6) les avantages potentiels dès 1648.

Si la première tentative de concevoir un engin réellement submersible et à usage un tant soit peu offensif se situe en 1800, il va falloir attendre Gustave Zédé et son « Gymnote » pour voir l’apparition d’un engin à propulsion électrique en 1888. Dix ans plus tard est construit le premier sous-marin réellement opérationnel doté d’une propulsion mixte essence/diesel. Enfin, en 1902 les premiers télescopes apparaissent puis les Allemands généralisent le moteur diesel à leurs sous-marins.

Au tournant du nouveau siècle, le sous-marin moderne vient de naître. Une poignée de nations, au premier rang desquelles la France et l’Allemagne, vont développer une filière industrielle et intégrer cet engin innovant dans leurs schémas tactiques. Le 28 février 1905, le Ministre de la Marine française instaure l'insigne de spécialité des sous-mariniers stylisé de 2 torpilles croisées avec des foudres (7).

Le premier torpillage de l’Histoire
L’un des 28 sous-marins de la Kaiserliche Marine (8) recensé à la veille (9) du conflit fut historiquement le premier submersible à couler des navires à distance et durant des opérations militaires. Mis en service en avril 1910, l’U9, coula en une heure trois croiseurs britanniques le 22 septembre 1914 en mer du Nord. Avec deux conséquences tragiques :
- la première fut que 1459 marins britanniques périrent dans cette attaque en bouleversant une grande partie de l’opinion publique ;
- la seconde fut que l’Amirauté britannique venait de douloureusement faire l’expérience de n’avoir pas pris au sérieux la menace mortelle que représentaient les sous-marins.

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 (Source)

Peu rapides, naviguant majoritairement en surface et plongeant à faible profondeur (10) juste avant une attaque, les sous-marins allemands vont permettre de tester de nouvelles tactiques élaborées autour de leurs qualités de discrétion et de l'emploi d’une arme innovante : la torpille de 500 mm avec une charge de 180 kg d’explosif.

De la détection passive à la détection active
Si le torpillage du paquebot Lusitania (11) au large de l’Irlande le 7 mai 1915 « provoque une immense onde de choc internationale et fait s’interroger les Allemands sur leur propre tactique (12)», il va surtout obliger les Allemands à suspendre leurs opérations de combat sous-marines durant plus de 18 mois, sous la pression du président américain Wilson ! Un temps précieux mis à profit par les Alliés pour améliorer leurs techniques de lutte anti-sous-marine et par les Allemands « pour améliorer leurs Unterseeboote (U-Boote) tant en puissance et en capacité technique qu'en profondeur d'immersion » (13).


Concernant la tactique, les Britanniques vont généraliser les Q-ships qui sont des navires marchands en réalité armés, conçus pour piéger les sous-marins allemands. Les U-Boote, pour économiser leurs torpilles, font généralement surface pour couler au canon de 105 mm une proie d’apparence inoffensive. Il est d’ailleurs notable de relever que sur les presque 6500 navires coulés par les U-Boote, seuls une centaine seront des navires militaires (14).

Outre les Q-ships, de nombreux chalutiers armés et des hydravions seront aussi utilisés. Enfin, « les premiers matériels acoustiques sous-marins utilisés de manière effective sont les systèmes de détection passive […] c'est-à-dire des écouteurs immergés orientables, permettant à un opérateur de détecter un bruiteur et de déterminer grossièrement sa direction  » (15).


 
(Source)

Rudimentaire et peu efficace, cette technique de détection sous-marine est heureusement complétée par les avancées d’une technique autrement prometteuse de détection active. Consécutif à la catastrophe du Titanic, le scientifique canadien Réginald Fessenden met au point en 1912 une sorte de sonar, basé sur un transducteur électrodynamique, afin de permettre la détection d’icebergs (16). Autrement plus ambitieux, les travaux et les expérimentations des physiciens français Paul Langevin (17) et Constantin Chilowski  vont conduire à l’invention d’un véritable sonar en 1917. Utilisant des transducteurs piézo-électriques, ou transducteurs à ultrasons de quartz, mis au point par Robert William Boyle, l’utilisation des ondes ultrasonores va autoriser la détection des sous-marins et des mines.


Quasi abandonné en France dès l’armistice de 1918, l’ASDIC sera développé et utilisé par les Britanniques qui en feront l’une de leurs forces, avec les hydrophones, de la lutte anti-sous-marine durant la seconde guerre mondiale. 


(2) A la fin du conflit, 380 U-Boote auront été construits pas l’Allemagne
(3) Anti-Submarine Detection Investigation Committee dont l'origine du nom n'est pas formellement établie
(4) http://investigationsoanisetoceanographiee.wordpress.com/2013/03/02/petite-histoire-des-sous-marins-au-travers-de-la-propulsion/
(5) Le concept de « bateau sous-marin » remonterait à l’Antiquité
(6) Mathematicall Magick, second livre chapitre V page 178 à page 190
(8) Nom de la marine impériale allemande de 1871 à 1919
(9) Atlas historique de la guerre, Richard Holmes, 1989, Editions Jean-Claude Lattès
(10) Entre 10 et 50 mètres
(11) Qui coûta la vie à 1195 passagers et membres d’équipage mais qui transportait aussi un stock secret de munitions
(12) http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/2009/12/beaux-livres-de-no%C3%ABl-1-les-uboote-du-kaiser.html
(13) http://kbcpenmarch.franceserv.com/guerre14-18/index.html
(14) http://guerre14.e-monsite.com/medias/files/14-18-la-guerre-sous-marine.pdf
(15) In « Acoustique sous-marine » de Xavier Lurton, Ifremer 1998, page 15
(16) http://www.ieee.ca/millennium/radio/radio_world.html
(17) http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Langevin
(18) http://fr.wikipedia.org/wiki/Constantin_Chilowski

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